Un aménagement paysager est souvent source de défis inattendus. Parfois, l’achat d’une maison avec un jardin existant peut réserver quelques surprises, ou bien le choix d’une plante attrayante en pépinière ou sur le terrain d’un ami se révèle hasardeux lorsqu’on en ignore les caractéristiques. Il arrive alors que certaines plantes, initialement choisies pour leur beauté, commencent à envahir l’espace disponible. Certaines d’entre elles appartiennent à une catégorie spécifique : les plantes drageonnantes. C’est le sujet que nous abordons aujourd’hui dans ce blogue.

Qu’est-ce qu’une plante drageonnante?

Une plante drageonnante est une plante qui se propage en produisant des rejets, c’est-à-dire de nouvelles pousses issues de ses racines, rhizomes ou stolons. Ces rejets émergent du sol et deviennent des répliques de la plante mère. La distance parcourue par ces rejets peut varier : certains restent proches du plant d’origine, tandis que d’autres peuvent s’étendre sur plusieurs mètres. Les plantes drageonnantes se multiplient ainsi de manière asexuée, sans pollinisation, contrairement à celles qui se reproduisent par graines.

Plantes drageonnantes : Contrainte ou atout?

Les plantes drageonnantes sont très mal connues dans les projets d’aménagement paysager et de jardinage. Pour certains, elles représentent un travail de contrôle conséquent, un risque pour l’équilibre du terrain, voire une source de diminution de sa valeur. Dans certains cas, elles peuvent en effet devenir de véritables désastres écologiques, menaçant la biodiversité locale. Cependant, bien utilisées, ces plantes peuvent également constituer un atout en aménagement paysager, à condition de bien connaître leurs caractéristiques et de les utiliser de façon appropriée.

Pour mieux comprendre et différencier les types de plantes drageonnantes, voici une liste (non exhaustive) qui illustre leurs particularités et permet de mieux adapter leur utilisation selon le contexte paysager.

Différents types de plantes drageonnantes

1. Les vivaces drageonnantes

Menthe

La menthe, qui est comestible, se contrôle relativement bien si elle est placée dans un emplacement facile à entretenir ou plantée dans des pots intelligents (Smart Pots). Bien que son expansion soit modérée, elle peut vite envahir un espace si elle n’est pas gérée.

 

Plantes nécessitant une gestion modérée

Certaines vivaces comme le physostegia, le lysimachia punctata, des variétés spécifiques d’asters et de géraniums, ainsi que certaines variétés de graminées (comme le phalaris) et les fougères, peuvent rapidement se répandre. La houttuynia et le muguet sont également dans cette catégorie et peuvent être maîtrisés en les installant avec des plantes robustes comme les hostas et les hémérocalles, qui aident à éviter une monoculture. Pour maintenir ces plantes dans un espace défini, une délimitation par une surface solide ou une bordure de pelouse facilite le contrôle. Ces plantes, qui occupent bien l’espace disponible, permettent de créer des plates-bandes nécessitant peu d’entretien tout en apportant une belle densité végétale.

 

Plantes à forte expansion et nuisances écologiques

Certaines plantes drageonnantes, telles que l’aegopodium, la prêle, la renouée du Japon et la phragmite, représentent de réelles menaces environnementales. Très résistantes et invasives, elles colonisent et altèrent les sols, asphyxiant les autres végétaux et devenant difficiles à éradiquer. Notamment, la renouée du Japon et la phragmite sont actuellement classées parmi les espèces exotiques envahissantes, présentant des risques significatifs pour les écosystèmes.

Phalaris

Phragmite

Renouée du Japon

2. Les arbustes drageonnants

Arbustes comestibles

Certains arbustes, comme le lilas, les framboisiers, l’aronia, le vinaigrier, les rosiers sauvages et rugosa, les ronces, les noisetiers, l’amélanchier, l’argousier et le cognassier, offrent des fruits, coques ou fleurs comestibles. L’espace que vous leur accordez influence leur comportement. Certains arbustes se contenteront simplement de s’étendre autour de leur emplacement d’origine s’ils ne sont pas taillés, donnant l’impression d’une croissance continue. D’autres, comme l’argousier, s’étendent bien au-delà de leur zone, ce qui peut nécessiter davantage d’efforts pour les contenir.

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Argousier

Arbustes décoratifs

Des arbustes ornementaux, tels que le sorbaria, l’hydrangée Annabelle, et certaines variétés de cornouillers (notamment le cornouiller stolonifère), ainsi que certaines spirées et aulnes, sont également drageonnants. Bien qu’ils embellissent les espaces verts, ils nécessitent une surveillance soutenue pour éviter une propagation excessive.

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3. Les arbres drageonnants

Certains arbres, comme certaines variétés de cerisiers, pommetiers, peupliers, oliviers, hêtres et saules, produisent également des drageons. Ces drageons peuvent nécessiter une taille et un entretien réguliers pour éviter qu’ils n’envahissent l’espace environnant.

Avantages des plantes drageonnantes

Maintenant que vous êtes plus familier avec les plantes drageonnantes, il est temps d’aborder leurs avantages. Si l’on exclut les espèces exotiques envahissantes de cette catégorie, ces plantes peuvent offrir plusieurs bénéfices, pourvu qu’on tienne compte des besoins spécifiques du terrain.
Voici quelques pistes :

  • Stabilisation du sol : Les plantes drageonnantes, grâce à leurs nombreux rejets, peuvent aider à stabiliser les sols et lutter contre l’érosion, et sont particulièrement utiles le long des berges ou sur des terrains escarpés.
  • Remplissage rapide des espaces nus : Ces plantes se développent rapidement et permettent ainsi de couvrir efficacement des zones de sol exposées.
  • Propagation naturelle : Les drageons sont de jeunes plants identiques à la plante mère. Ils peuvent servir pour d’autres aménagements ou être offerts en cadeau (en prenant soin d’informer le destinataire de leur tendance à s’étendre! ????).
  • Résilience en milieu urbain : Leur robustesse en fait un bon choix pour des zones en bordure de route ou des espaces de plantation dans les nouveaux aménagements urbains.
  • Attrait esthétique : Plusieurs plantes drageonnantes s’intègrent harmonieusement dans un paysage, ajoutant une touche naturelle et charmante si elles sont bien positionnées.
  • Valeur comestible : Plusieurs plantes de cette catégorie sont comestibles, offrant une valeur ajoutée à l’aménagement paysager. Bien placées, elles fournissent même une récolte intéressante en fonction de l’espace disponible.

En intégrant intelligemment ces plantes dans votre aménagement, vous pouvez bénéficier de leur rusticité et de leur attrait esthétique tout en limitant les risques de propagation incontrôlée.

Astuces pour intégrer les plantes drageonnantes dans vos aménagements

J’ai chez moi plusieurs de ces plantes. Certaines m’ont enseigné des leçons “à la dure” après les avoir choisies sans vraiment les connaître, tandis que d’autres ont été implantées stratégiquement. Voici quelques exemples :

  • Les menthes et framboises sont plantées dans des smart pots, qui contrôlent bien les racines tout en les laissant s’épanouir. Aucun trou n’est disponible pour qu’elles s’échappent. Cela fonctionne parfaitement et me permet d’avoir de belles plantes comestibles tout au long de la saison de culture.

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  • Les phalaris, fougères et asters ont été plantés avec des plantes solides qui maintiennent toute la plate-bande en équilibre. Par exemple, la fougère est plantée avec des ligularia othello et des hostas, et si elle s’étend trop, la tondeuse la contrôle. Les phalaris, plantés à côté des lysimachia punctata, se contrôlent mutuellement avec celles-ci, et ils sont aussi tondus s’ils s’échappent de leur zone assignée.

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  • L’houttuynia m’a donné un peu plus de fil à retordre. Lors d’années pluvieuses, il devient vigoureux et même agressif envers les plantes voisines, donc je dois le surveiller. Cependant, je n’ai encore perdu aucune plante. Il était contenu par l’asphalte jusqu’à l’été dernier, lorsque je l’ai retiré. Pour reprendre le contrôle, j’ai installé cette année une barrière en toile anti-racines, enfoncée verticalement sur environ 24 pouces, pour empêcher ses racines de s’étendre vers de nouvelles zones.
  • Pour les amélanchiers et l’aronia, j’ai choisi de leur laisser de l’espace pour qu’ils puissent s’épanouir tout en les surveillant. L’aronia est particulièrement intéressant car ses drageons se développent au cœur de la plante, ce qui produit de nouvelles branches fruitières et me permet d’éliminer les plus grosses, hors de portée pour la cueillette.
  • Quant aux lilas, je touche du bois… J’ai quatre variétés, toutes récupérées de projets, donc je ne connais pas leurs noms, mais pour le moment, seul un prend du volume, les autres restent stables. En effet, le lilas commun (ou lilas français) est le plus drageonnant. Dans les centres jardin, vous trouverez des variétés moins envahissantes. De nouvelles variétés peu drageonnantes existent également pour le sorbaria et le vinaigrier.

Menthe

Houttuynia

Argousier

Saviez-vous que certaines plantes drageonnantes réagissent ainsi non pas naturellement, mais en réponse à une blessure des racines ou de la plante? Cela peut être causé par un bris, une taille sévère, un insecte, une maladie, ou même un sarclage intense près des racines. Je pense que c’est le cas de mon lilas qui prend du volume. Avant d’être déplacé, il avait une taille contrôlée, mais depuis son déménagement… il semble avoir eu peur et avoir réagi. !?!

Ma petite peste actuelle, c’est l’argousier, planté dans un pré fleuri. Chaque été, il se propage et c’est la bataille pour arracher les drageons qui apparaissent partout, même loin de la plante. Mon prochain projet sera de l’encercler avec de la toile anti-racines. Comme ses racines semblent rester en surface, j’espère arriver à le contenir. Cela créera deux mini-forêts d’argousier. Si j’avais su qu’il serait aussi agressif, je l’aurais probablement essayé en smart pot ! Cependant, je connais des gens qui le cultivent en pleine terre et utilisent simplement la tondeuse pour limiter sa croissance. Mon pré fleuri pourrait finir en pelouse ☹. Reste que c’est une plante intéressante pour ses fruits et, pour les aménagements urbains, vous en verrez peut-être dans les nouveaux monticules le long des autoroutes : son feuillage gris contraste magnifiquement avec les autres plantes, et ses fruits orange à la fin de la saison ajoutent une belle touche visuelle. Dommage que ces espaces ne soient pas accessibles pour la cueillette…

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Attention à ne pas confondre!

Il est crucial de ne pas confondre certaines catégories de plantes, car cela peut affecter leur gestion dans un aménagement paysager. Par exemple, des plantes comme les hostas, certaines variétés d’hémérocalles, les phlox et les fraises, bien qu’elles se propagent, ne sont pas drageonnantes au sens traditionnel. Elles continuent à croître à partir de racines existantes ou en produisant des stolons, ce qui leur permet d’étendre leur présence sans se déplacer réellement.

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Phénomènes de croissance à connaître :

  1. Stolonisation : Certaines plantes, comme les fraises et les pervenches, utilisent des stolons, des tiges horizontales qui s’étendent au-dessus du sol pour créer de nouvelles plantes à partir des nœuds. Cela peut donner l’illusion que la motte de racine se déplace. Visible chez les vivaces seulement.
  2. Marcottage : Ce phénomène peut se produire naturellement ou être induit par l’homme. Il se manifeste lorsqu’une branche touche le sol et forme de nouvelles racines. Une fois séparée, elle devient une plante autonome. Visible chez certains arbustes et arbres.

3. Rejets de souches : Ces pousses apparaissent souvent à la suite d’une blessure sur la plante mère, sans former de racines. Cela se produit fréquemment avec des plantes greffées, où le porte-greffe repousse vigoureusement.
4. Gourmands : Ces tiges, qui se développent sur des branches importantes sans contact avec le sol, sont souvent très verticales et se distinguent des autres branches. Visible dans les arbres et certains arbustes.

Intégration dans l’aménagement paysager

Certaines plantes drageonnantes peuvent être avantageuses dans un aménagement bien conçu, surtout pour des projets de renaturalisation ou de couverture de terrains nus. Elles peuvent être contrôlées par des méthodes comme l’utilisation de smart pots ou de toiles anti-racines. Cependant, il est essentiel de bien comprendre leurs caractéristiques pour assurer leur entretien efficace et responsable.

Importance de la connaissance et du contrôle

En somme, connaître son aménagement paysager et les comportements des plantes est fondamental pour maintenir l’équilibre et favoriser la biodiversité. Cela permet non seulement d’améliorer l’esthétique des espaces, mais aussi de contribuer à un environnement plus riche et diversifié. C’est un véritable WIN WIN WIN pour tous les acteurs impliqués dans le jardinage et l’aménagement paysager!

La gestion des plantes drageonnantes dans nos aménagements paysagers soulève des questions essentielles sur notre rôle en tant que jardiniers et éco-contributeurs. Alors que ces plantes peuvent enrichir notre environnement, leur potentiel invasif nécessite une approche réfléchie et proactive.

Nous devons nous interroger sur les choix que nous faisons lors de la sélection des plantes, sur notre capacité à les contrôler, et sur l’impact à long terme de nos décisions sur la biodiversité locale. En intégrant des stratégies de gestion, comme l’utilisation de smart pots ou de toiles anti-racines, nous pouvons non seulement profiter des avantages esthétiques et écologiques de ces plantes, mais aussi maintenir un équilibre harmonieux dans notre écosystème.

Ainsi, en nous engageant à mieux comprendre et gérer notre paysage, nous contribuons à un environnement durable qui profite non seulement à notre jardin, mais aussi à la faune et aux générations futures. Réfléchissons donc à la manière dont chaque choix, même le plus simple, peut avoir des répercussions durables sur notre planète.

Marie-Joëlle Saucier, Paysagiste Conseil