Les terrains deviennent de plus en plus restreints, et l'on cherche de plus en plus à s'isoler tout en évitant de se sentir enfermé dans notre propre espace.
Mais comment y parvenir?
Comment donner à notre terrain cet aspect de grandeur, de profondeur et de confort, cocooning dans tous nos petits espaces de vie aménagés à l'extérieur?
Voici quelques idées pour vous aider.
Le concept du paysage emprunté
Le concept du paysage emprunté, ou "Shakkei" en japonais, est une pratique ancienne et raffinée dans l'art du jardinage. Il consiste à intégrer délibérément des éléments du paysage environnant dans la conception d'un jardin, créant ainsi une illusion de continuité et d'harmonie entre l'espace aménagé et son environnement naturel.
L'idée principale derrière le paysage emprunté est de tirer parti de la beauté naturelle qui nous entoure, que ce soit une montagne majestueuse à l'horizon, une forêt luxuriante ou même la silhouette d'un bâtiment voisin. En intégrant ces éléments dans la conception du jardin, on crée une sensation d'ouverture et d'espace qui dépasse les limites physiques de la propriété.
L'effet produit par le paysage emprunté est souvent subtil mais puissant. En utilisant des techniques de perspective et de mise en scène, on peut facilement donner l'impression que le jardin s'étend bien au-delà de ses frontières, créant ainsi une illusion de grandeur et de profondeur.
Mais le paysage emprunté ne se limite pas à la simple vue. Il englobe également les sons, les odeurs et même les sensations tactiles de l'environnement environnant. Le murmure d'un ruisseau voisin, le parfum des fleurs sauvages porté par le vent, ou la fraîcheur de l'ombre projetée par un arbre distant - tous ces éléments peuvent être intégrés de manière subtile mais efficace dans la conception d'un jardin.
En fin de compte, le paysage emprunté invite à une connexion plus profonde avec la nature qui nous entoure. C'est un rappel constant de notre place dans l'écosystème plus vaste, et de la beauté qui peut être trouvée lorsque l'homme et la nature coexistent en harmonie. Que ce soit dans un petit jardin urbain ou dans un vaste domaine rural, le paysage emprunté offre une opportunité unique de créer un espace qui célèbre la magie et la diversité du monde naturel.
L’histoire du Shakkei
L'histoire de Shakkei remonte à des temps anciens, bien avant qu'un nom ne lui soit donné. Ce concept était pratiqué au Japon depuis longtemps avant d'être nommé. L'intégration de paysages lointains dans les jardins, par exemple, remonte à la période Heian (794-1185 après JC) lorsque la cour japonaise a déplacé la capitale du pays vers ce qui est maintenant Kyôto.
Les Chinois semblent avoir été les premiers à nommer ce concept, l'appelant shakkei.
L'essence même du Shakkei réside dans son aptitude à créer une illusion de continuité entre le jardin et son environnement. Pour cela, il utilise diverses techniques visuelles telles que la perspective et les ouvertures pour tromper le regard du spectateur. Ainsi, un paysage lointain devient une partie intégrante de la composition du jardin, offrant une sensation d'expansion et de profondeur qui transcende les limites physiques de la propriété.
Cette pratique, empreinte de poésie et de subtilité, incite à une contemplation plus profonde de la relation entre l'homme et la nature. À travers le Shakkei, nous sommes invités à nous reconnecter avec la beauté et l'harmonie du monde qui nous entoure, et à reconnaître que chaque élément de notre environnement contribue à la richesse et à la diversité de notre expérience.
Les principes du shakkei
Les principes du shakkei se composent de quatre niveaux ou emplacements distincts dans le jardin, chacun correspondant à une étape clé dans sa conception :
1. Premier plan ou avant-plan : Cette zone est souvent aménagée de manière libre, sans affecter la vue globale du jardin. Elle offre une transition entre l'intérieur et l'extérieur, créant un sentiment d'accueil et de transition.
2. Second plan : Le second plan est d'une importance capitale dans le Shakkei. Il est soigneusement disposé pour diriger le regard du spectateur vers le paysage emprunté. Les éléments du second plan agissent comme des cadres ou des points de focalisation, mettant en valeur la beauté du paysage lointain.
3. Troisième plan : Les éléments du troisième plan constituent les limites du jardin. Ce sont des éléments tels que des murs, des haies ou des arbres qui ne doivent pas rompre l'harmonie, mais plutôt encadrer le paysage comme les contours d'un cadre naturel. Ils renforcent l'effet de focus sur le paysage emprunté.
4. Quatrième plan : C'est le paysage emprunté lui-même, qui semble accessible grâce au bon agencement des plans précédents. Ce paysage lointain devient ainsi une partie intégrante de l'esthétique du jardin, offrant une profondeur visuelle et un sentiment d'expansion qui transcende les limites physiques de la propriété.
Il peut sembler difficile d'imaginer la création d'un tel concept en ville, compte tenu de la taille réduite des terrains. Un concept tel que le paysage emprunté est magnifique dans de grands jardins. Par exemple, dans les Jardins de Quatre-Vents, une arche ouvre la vue sur un paysage emprunté qui est en fait le terrain du voisin et les montagnes au loin. Cela donne l'impression d'agrandir les lieux. La structure de l'aménagement est équilibrée et reste un peu plus ouverte tout en préservant son intimité.
Dans nos terrains de plus en plus petits, alors que nous cherchons davantage à intégrer nos projets de vie et à maximiser nos espaces, ce concept est très intéressant pour donner l’impression que le terrain est plus grand, été comme hiver.
La 3e dimension
Un autre concept que j'aime utiliser consiste à maximiser les espaces en exploitant les 3 dimensions du terrain. Au lieu d'avoir une simple zone de dalles et de pelouse, une surface bidimensionnelle entièrement utilisée, j'essaie d'ajouter la dimension verticale à mes projets. L'intégration de structures telles qu'une pergola ou une tonnelle, des éléments inanimés qui remplissent l'espace vertical, est une option. Il en va de même pour l'utilisation de la végétation, comme des plantes grimpantes ou des arbres avec des plantes en dessous. L'objectif est de créer des espaces organiques plutôt que de délimiter simplement les contours d'un espace, comme c'est le cas avec une patinoire où le centre du terrain est plat et les contours sont formés par les clôtures et les haies qui encadrent le terrain.
La vue à travers nos fenêtres
Une autre idée inspirante consiste à utiliser la vue depuis l'intérieur de la maison. On entend souvent dire que l'aménagement paysager est le prolongement de l'intérieur de la maison. Les fenêtres et les portes jouent un rôle essentiel en reliant l'intérieur et l'extérieur. La vue apaisante de l'arbre du voisin ou la perspective lointaine que cette vue nous offre sur la clairière donnent une impression de grandeur à notre environnement.
Avant de finaliser votre aménagement paysager, il est judicieux d'observer les points de vue depuis l'intérieur de la maison. Vous découvrirez de nouvelles sources d'inspiration. Les couloirs créés et reliés entre l’intérieur et l’extérieur permettent une perspective plus spacieuse. Par exemple, chez moi, la vue depuis la rue crée une sensation de profondeur en hiver, avec la structure des branches des arbres et des arbustes qui se prolonge jusqu'aux arbres des voisins. En été, cette vue est plus feuillée et moins dirigée vers la route, mais plutôt vers le ciel.
Depuis ma salle de bain, ma cuisine, ma chambre, et plusieurs autres pièces, en observant les ouvertures des fenêtres et des portes, je cherche à créer une vision plus dynamique et spacieuse, tout en préservant l'intimité et en procurant une atmosphère chaleureuse pour mon bien-être et mon confort.
